En préparation d’un futur article sur les termes de Poher et de
Cornouaille aux IXe et Xe siècle, nous avons travaillé
sur un sujet connexe que nous n’avons finalement pas retenu dans l’édition
finale. Merci à André-Yves Bourgès d'accueillir, pour la seconde fois sur l'un de
ses blogs, la
publication de cette courte notule.
Voici tout d’abord les quelques rares mentions
que nous avons pu collecter sur la « terre de Rivelen » :
•
Acte de
1281 : Guillermus de Rusquec, armiger, senescallus tunc temporis domini
Hervei de Leonia, domini Castri Novi, militis, apud Leoniam et terram Rivelen [1] ;
•
Acte du 12
octobre 1375 [2] :
taillifs et sers a la condition de la
vicomté de Leon et la terre Rivelen en Cornouaille, quels par usement et
le gouvernement ancien d’iceux terrouers ne povaient nullement desavouer
lourdit seigneur ne eux franchir, fors par eux faire bannir au convenant franc
au duc, par einxin que ceux de Leon
devoient demourer et faire lour residence jour et an sans partir du chastel de Lesneven, et ceux de Cornouaille a Chasteaulin en Cornouaille semblablement ;
•
Une enquête
du 04 août 1410 au 28 janvier 1411 sur les droits des vicomtes de Rohan [3] :
le seigneur de Leon a plusieurs hommes taillifs à motte selon la coutume & condition de Rivelen en
ses terres de Leon & de Cornouaille […] le dit vicomte & ses
sugets ont plusieurs terres ès paroisses de Crauzon, de Camaret, de Rozcamvel,
de Telgruc, de Saint Vic [Saint-Mic], de Ploemodiern & de Ploeven , &
que les dites terres sont & appartiennent au dit Seigneur à cause de sa
baronie de Leon & sont nommées la terre
à la condition de Rivelen, & qu’en icelles paroisses le dit Seigneur
& ses sugets ont plusieurs hommes taillifs astraints à motte selon la
condition d’icelle terre de
Rivelen ;
•
Buez santez Nonn qui donne pour
la sépulture de cette dernière Dirinon, dans « fort bien administrée terre
de Rivelen » (douar Riuelen) [4]. Ce
mystère breton a été écrit au xvie
siècle en se basant sur la vie latine galloise de saint Divi écrite à la fin du
xie siècle [5]. Cette
source est postérieure aux précédents, mais elle a le mérite de donner une
paroisse (Dirinon) en dehors des terres de Crozon et Porzay où la coutume et
condition de Rivelen s’appliquait au xvie
siècle.
Que peuvent nous
indiquer ces quelques sources ? En 1281 et 1375, il y a une nette
différentiation faite entre le Léon et la terre de Rivelen. En 1375, Lesneven
et Châteaulin, terres ducales, étaient les lieux où les serfs soumis à la
condition de la vicomté de Léon et la terre de Rivelen pouvaient s’affranchir
s’ils y passaient au moins un an et un jour. Jusqu’à cette dernière date, la
terre de Rivelen englobait les fiefs de la branche cadette des vicomtes de Léon
situés dans la presqu’île de Crozon et dans le Porzay. Plus tard, en 1410-1 et
au xvie siècle, la
coutume et condition de Rivelen s’appliqua à certaines des terres détenues par
les Rohan, héritiers des sires de Léon, dans leurs fiefs situés dans l’évêché
de Cornouaille : châtellenies de Daoulas, de Crozon et de Porzay.
Qui est le
Rivelen qui a donné son nom à cette terre ? En fonction de nos sources
très lacunaires, il n’y a que deux candidats. Le comte de Cornouaille Rivelen
de la fin du ixe siècle
ou bien le père d’Onven, femme de l’évêque de Cornouaille Orscand qui vivait à
la fin du xiie
siècle [6].
Comme l’a relevé Joëlle Quaghebeur, la famille de Rivelen, dit de Crozon,
« n’apparaît jamais comme bienfaitrice dans les actes de donation dont
bénéficièrent les sanctuaires cornouaillais, ce qui mérite d’être
souligné [7]. »
Les conditions de tenure de cette terre font clairement référence au
servage, c’est pourquoi nous sommes enclins à préférer le comte Rivelen. Le
maintien de serfs sur des mottes ne ferait-il pas référence à une
réorganisation militaire orchestrée par Rivelen pour la défense contre les
Vikings de la presqu’île de Crozon et de ses ports qui ont donnés son nom au
Porzay [8] ?
Tanguy a émis l’hypothèse que le pagus Porzoed incluait initialement la
presqu’île de Crozon [9].
Or nous avons ici la preuve que la
coutume et condition de Rivelen s’appliquait initialement sur ces deux
territoires.
Bertrand Yeurc’h
[1]Arch. mun. Landerneau cité in
Patrick Kernévez, Vicomtes et
seigneurs de Léon du xie
au début du xvie siècle,
Brest, 2011, p. 241, n. 242.
[2]DL,
t. 2, col. 1640 ; DM, t. 2, col. 99-100 ;
Michael Jones, Letters, Orders
and Musters of Bertrand du Guesclin 1357-1380, Woodbridge, 2004, no 669,
p. 250-1.
[3]DM, t. 2, col. 849-53.
[4]Yves Le Berre, Bernard Tanguy
& Yves-Pascal Castel, Buez
santez Nonn : Mystère breton : Vie de sainte Nonne,
Minihi-Lévénez, 1999, p. 172, v. 1506.
[5]Bernard Tanguy, « Les cultes de saintes Nonne et de saint Divi
en Bretagne », Buez santez Nonn : Mystère breton : Vie de
sainte Nonne, Yves Le Berre,
Bernard Tanguy & Yves-Pascal Castel, Minihi-Lévénez, 1999,
p. 10-31 (p. 12).
[6]Valérie Roudaut-Adam, Réédition des cartulaires de l’église
cathédrale Saint-Corentin de Quimper, Brest, 1996, no 1
& 4 ; Judith Everard
& Michael Jones, The
Charters of Duchess Constance of Brittany and her Family, 1171-1221, 1999,
C28, p. 60.
[7]Joëlle Quaghebeur,
La Cornouaille du ixe
au xiie siècle :
Mémoire, pouvoirs, noblesse, Quimper, 2001, p. 49.
[8]Bernard Tanguy, « Les pagi bretons
médiévaux », Bulletin de la Société
Archéologique du Finistère, t. 130, 2001, p. 371-96 (p. 389).
[9]Bernard Tanguy, « Les pagi bretons
médiévaux », Bulletin de la Société
Archéologique du Finistère, t. 130, 2001, p. 371-96 (p. 390).
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