mardi 7 juin 2016

A la recherche des origines du père d'Abélard



L’environnement familial d’Abélard ont fait depuis les dernières décennies l’objet de plusieurs travaux, notamment de la part de deux chercheurs européens, une Britannique, Brenda M. Cook (Mrs Dawtry)[1], et un Autrichien, M. Werner Robl[2] : leurs recherches les ont amené à proposer des hypothèses très stimulantes, dont nous avons fait notre profit dans notre approche de la question des origines du père du philosophe ; mais nos propres conjectures se révèlent légèrement différentes.

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Dans le récit autobiographique qui raconte l’histoire de ses malheurs, Abélard, on le sait, déclare explicitement être originaire au Pallet, qu’il décrit comme un oppidum – le terme, associé ici avec le participe parfait constructum,  doit sans doute être entendu avec le sens de « place-forte » – et qu’il situe à une distance de huit milles à l’est de Nantes, à l’entrée même de la Bretagne (Ego igitur, oppido quodam oriundus quod in ingressu minoris Britannie constructum, ab urbe Namnetica versus orientem octo credo miliariis remotum, proprio vocabulo Palatium appellatur) : Abélard souligne qu’il doit à la nature de son pays aussi bien qu’à la race à laquelle il appartient son caractère léger et ses facilités intellectuelles pour les études littéraires (sicut natura terre mee vel generis animo levis, ita et ingenio extiti et ad litteratoriam disciplinam facilis). Cependant, les formules qu’il utilisera par la suite pour parler de ses relations avec sa patria ne permettent pas de déterminer avec certitude s’il désigne par ce terme le Pallet stricto sensu ou bien un ensemble territorial plus vaste couvert par l’ombre portée du donjon du lieu. En tout état de cause, Abélard eut été fort étonné de lire sous la plume de certains commentateurs modernes que la légèreté et l’intelligence dont il était redevable aux siens et à sa terre natale caractérisaient en conséquence les Bretons et la Bretagne, qu’il considère à bien des égards comme gens et contrée horribles ! Le mieux est sans doute de s’en tenir à son épitaphe composée par son contemporain Richard de Poitiers qui le désigne comme un Nantais né d’un père poitevin et d’une mère bretonne (Nannetis oritur, patre Pictavus et Brito matre)[3].

Abélard nous indique que son père, qui s’appelait Bérenger, était un chevalier ; mais ce personnage avait été instruit dans le domaine des lettres avant d’entrer dans la carrière des armes et s’était montré en conséquence particulièrement disposé à ce que ses fils, dont Abélard était l’aîné et le préféré, bénéficiassent à leur tour d’une éducation littéraire avant de recevoir eux aussi une formation chevaleresque (Patrem autem habebam litteris aliquantulum imbutum antequam militari cingulo insigniretur; unde postmodum tanto litteras amore complexus est, ut quoscumque filios haberet, litteris antequam armis instrui disponeret. Sicque profecto actum est. Me itaque primogenitum suum quanto cariorem habebat tanto diligentius erudiri curavit). Ce profil de miles litteratus s’est surtout développé sous l’influence des Plantagenêts, à partir de la seconde moitié du XIIe siècle[4] ; mais on en trouve des attestations précoces dans le comté de Nantes, dès l’époque à laquelle vivait Bérenger : c’est notamment le cas d’un certain Rouaud (Rodoaldus quidam miles litteratus), dont une donation à Marmoutier, où il avait revêtu l’habit de saint Benoît, fut à l’origine, vers la fin du XIe siècle, de la fondation du prieuré de Pontchâteau[5]. En tout état de cause, disposer de cette « double compétence » permettait la réorientation à point nommé d’une carrière, comme cela avait été probablement le cas pour les frères puînés d’Abélard, après que ce dernier leur eût abandonné, avec son héritage et son droit d’aînesse, le faste de la gloire militaire (ut militaris glorie pompam cum hereditate et prerogativa primogenitorum meorum fratribus derelinquens). 

Toujours au témoignage d’Abélard, Bérenger, à une date inconnue qui peut, au demeurant, avoir précédé de plusieurs années la décision similaire prise par Luce, sa femme, avait, à l’instar de Rouaud, pris l’habit monastique (Dum vero hec agerentur, karissima mihi mater mea Lucia repatriare me compulit; que videlicet post conversionem Berengarii patris mei ad professionem monasticam, idem facere disponebat) ; mais Abélard n’indique pas quels furent les monastères qui avaient respectivement accueilli son père et sa mère. Ultime information fournie sur sa famille par Abélard, cette fois dans sa Dialectica : un de ses frères s’appelait Dagobert et avait plusieurs fils que le philosophe désigne comme ses neveux ; c’est à sa demande et à leur intention qu’il avait écrit cet ouvrage[6], preuve que la tradition des études littéraires ne se perdait pas au sein de la famille. Par ailleurs, le nécrologe de l’abbaye du Paraclet mentionne, malheureusement sans indication d’année, les obits de plusieurs parents d’Abélard : deux nièces, Agnès, qui fut prieure du monastère (Agnes priorissa), et une religieuse nommée Agathe (Agatha Deo sacrata)  ; un autre frère, Raoul (Radulphus), et une sœur, Denise (Dyonisia) ; enfin,  une certaine Luce, sa mère peut-être (Lucia mater magistri nostri Petri) ou bien, plus vraisemblablement nous semble-t-il, une cousine moniale qui portait le même nom (Lucia monaca, magistri nostri Petri cognata). En outre, on a pu conjecturer avec une assez grande probabilité l’existence d’un troisième frère, Porchaire, chanoine de la cathédrale de Nantes, mentionné parmi les destinataires d’une bulle d’Innocent II en 1137 et dont un acte du cartulaire de Buzay aux années 1153-1157, relatif à une vigne que Porchaire avait donnée au monastère (vineam quandem prope molendina Constancii sitam, quam scilicet Porcharius, Nannetensis ecclesiae canonicus, cum apud Buzeium monachus fieret, ejusdem loci monachis pro anima sua dederat), nous apprend qu’il était l’oncle d’un certain Astralabe, lui aussi chanoine de Nantes (Astralabius, canonicus Nannetensis, nepos ejus), identifié depuis longtemps avec le fils d’Abélard[7].

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Le terme « palais » (palatium), qui avait passé depuis longtemps en toponyme permet de postuler avec une assez grande probabilité l’existence au Pallet durant le haut Moyen Âge d’une résidence royale, rouage administratif essentiel à cette époque ; mais avons-nous affaire en l’occurrence à une extension vers le sud du « système palatial franc » de la Gaule septentrionale[8], « palais » pour lequel nous disposons peut-être d’une attestation de l’époque carolingienne[9] ? Ou bien s’agit-il d’un vestige de l’organisation politique mise en place par les Wisigoths, qui, au Ve siècle, dominaient toutes les cités de l’Aquitaine seconde, jusqu’à la Loire, et pouvaient  en avoir délégué localement l’administration à d’autres « Barbares », les Taifales par exemple[10] ? La question mérite d’autant plus d’être posée que « la Gaule du Sud au Ve siècle en général et l’Aquitaine wisigothique en particulier demeurent si peu étudiées en France », comme le rappelle Christine Delaplace dans un très intéressant ouvrage qui vient heureusement combler pour partie ce déficit[11]. En tout état de cause,  force est de constater, en Espagne tout du moins, que si les Wisigoths réutilisaient à l’occasion des constructions romaines, aucun de leurs palais n’a pu être identifié jusqu’à présent[12]. Quant à l’hypothèse que le Pallet fût jadis le siège d’un évêque nommé Pierre, qui participa au concile réuni à Agde en 506 à l’initiative d’Alaric II[13], elle a fait long feu[14]. On peut remarquer que la situation géographique s’accorde bien avec la proximité de frontières de nature politique qui, à l’époque d’Abélard, ne pouvaient être évidemment que celles avec l’Anjou et le Poitou, comme il se verra encore au bas Moyen Âge avec le système complexe des « marches »[15] ; mais il faut également envisager que cet environnement complexe constituait peut-être, au moins pour partie, le prolongement de l’intégration de l’ancien pagus de Tiffauges, au détriment de sa personnalité propre, dans une entité plus vaste, dont la destinée devait se révéler particulièrement mouvementée[16].  De plus, la topographie du Pallet, au confluent de deux rivières, permet de supposer l’existence précoce d’un point de traversée, à pont et à gué, plutôt orienté nord-sud, si l’on accepte la tradition qui signale localement le passage d’un itinéraire antique de Nantes à Poitiers ; lieu de péage et de collecte de taxes, mais aussi emplacement de foires et de marchés.  

Nous connaissons plusieurs individus appartenant indiscutablement à l’aristocratie qui ont  porté le nom du Pallet (de Palatio) pendant une période d’une soixantaine d’années environ autour de l’année 1100 : outre un certain Gaudin, le plus ancien peut-être d’entre eux, mais dont le statut n’apparait pas clairement[17], se sont ainsi succédé Daniel (Daniel, Danihel), que B. M.  Cook suggère d’identifier avec le père de Luce[18],  puis Hervé (Herveus) et enfin Main (Mein), lequel, nous dit-on, pourrait avoir été fils de Dagobert[19]. En plus d’une extrapolation généalogique incertaine à partir d’une étymologie discutable du nom d’Abélard[20], le principal biais de la reconstitution proposée consiste, nous semble-t-il, dans le fait qu’elle ne donne aucune place à Hervé –  dont il est avéré pourtant qu’il se maria et eut postérité[21] – tandis qu’elle valorise le personnage de Luce, dont l’appartenance à la famille du Pallet n’est cependant pas établie. Il faut également noter que Daniel, Hervé et Main, dont nous ne connaissons pas la fonction exacte exercée au Pallet, où ils font plutôt figure de « châtelains » que de véritables « seigneurs » du lieu, apparaissent avant tout, dans les actes qui nous ont conservé leurs traces, comme les clients de dynasties seigneuriales plus puissantes établies dans les Mauges voisines, en particulier celle du Petit-Montrevault[22], et peut-être celle de Beaupréau[23] : il est tentant de supposer qu’ils pouvaient, en conséquence, avoir été eux-mêmes originaires ou du moins habitués de cette région[24], comme c’était déjà le cas de Gaudin[25]. Cela ne remet pas en cause leur fidélité à l’égard des comtes de Nantes, qui s’observe sans ambiguïté dans un acte en faveur de Sainte-Croix de Quimperlé, passé à Nantes conjointement par le duc Alain et son frère le comte Mathias peu après la mort de leur père : Daniel du Pallet (Daniel de Palatio) est en effet mentionné le deuxième au nombre des témoins laïques ; mais, là encore, l’imprégnation bretonne du Pallet n’apparait guère marquée, d’autant que les Nantais (Namnetenses) ont été soigneusement distingués des Bretons (de Britonibus) et inscrits avant ceux-ci dans la liste des témoins[26].

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C’est dans ce contexte que la mention d’un certain Bérenger de Aula dans le cartulaire de Saint-Serge-et-Saint-Bach d’Angers prend un singulier relief : ce personnage, qui se déclare « cassé de vieillesse et tout ennuyé d'aller à la guerre pour le service de ses maîtres et seigneurs », s'adresse à l'abbé Bernard et lui demande l'habit de religieux « afin de pouvoir faire pénitence des fautes et excès qu'il avait commis au service de ses maîtres » ; et pour obtenir plus aisément ce qu'il souhaite, Bérenger prie le fils de défunt Roger du Petit-Montrevault d'intercéder pour lui et de lui obtenir cette faveur ; ce dont ce seigneur s’exécute volontiers et offre à cette occasion à l’abbaye une terre proche du prieuré de Villeneuve[27].

L’acte en question n’a pas été conservé et n’est donc connu que par une analyse d’érudit, peut-être Dom Housseau, faite à l’époque moderne ; mais son authenticité n’est pas discutée. Sa date de temps n’est pas précisée ; mais la rédaction est vraisemblablement intervenue au tout début du XIIe siècle[28]. A la suite de W. Robl[29], même si nous ne suivons pas toutes les conclusions de ce chercheur, nous croyons reconnaître en Bérenger de Aula le père d’Abélard : l’époque à laquelle cet acte a été passé n’est pas incompatible, comme nous l’avons dit plus haut, avec le témoignage d’Abélard sur l’entrée successive de ses parents en religion. Par ailleurs, on a rappelé les liens forts qui unissaient, autour du sanctuaire de Villeneuve en particulier, les membres de la famille du Pallet et les seigneurs du Petit-Montrevault, liens qui peuvent s’être étendus aux membres de leur militia castri respective : le mariage du père d’Abélard avec une Bretonne serait ainsi une conséquence de son appartenance à la garnison de la forteresse du Pallet, mais ne nécessite nullement que Luce appartînt au lignage des châtelains du lieu, ou, plus précisément, qu’elle en fût l’héritière. En revanche, il nous semble que faire fond sur la forme « de la Cour », par laquelle Dom Housseau, ou un autre mauriste, a rendu le latin de Aula risque d’amener à des conclusions fallacieuses : il ne sert à rien en effet de constater l’absence d’un toponyme « La Cour » dans les Mauges (ce qui est exact), pas plus qu’il n’est pertinent d’en déduire que la désignation de Aula accolée au nom de Bérenger pourrait constituer un synonyme tardif de palatium[30], puisqu’aussi bien c’est le mot « salle » qui, dans la toponymie, sert le plus souvent à rendre le terme aula, – que d’ailleurs on trouve plusieurs lieux-dits « La Salle » dans les Mauges, – et qu’il est possible d’avancer quelques raisons en faveur de La Salle de Jallais, qui conservait le souvenir d’un château disparu vers la fin du XIIIe siècle.

En effet, c’est à Jallais que l’on trouve, sur la rive droite du ruisseau de Montatais lequel formait, en aval, l’un des quatre côtés de la Salle[31], le lieu-dit Béranger ou Baranger, qui renvoie à la mention vers l’An Mil d’une terra que est vocitata de Barra Berangerii dans une charte du prieuré de Chemillé[32] : par ce terme de « barre », il faut entendre une maison fortifiée, possible demeure d’un chevalier chasé, qui lui aura donné son nom ; d’autre part, tout porte à croire que l’ancienne paroisse de Jallais, héritière d’une villa gallo-romaine, englobait à l’origine celles de La Jubaudière et de La Poitevinière[33]. Cette dernière, attestée sous les formes Pictavineria au tournant des XIe-XIIe siècles, Pictaveneria en 1138[34], ne peut avoir reçu son nom qu’après la fin de son appartenance stricte au Poitou : quelle serait en effet la raison pour laquelle le domaine, occupé par quelqu’un que son origine désignait comme un « Poitevin », aurait été dénommé « La Poitevinière », s’il était situé dans une région par ailleurs peuplée de Poitevins[35] ? En revanche, on sait combien, pendant une longue période avant leur intégration définitive au comté d’Anjou et au diocèse d’Angers, les Mauges ont été l’objet de confrontations entre les principautés limitrophes et rivales. Les comtes de Poitiers ont évidemment essayé à plusieurs reprises de revenir sur le démembrement, imposé-consenti, des pagi septentrionaux de leur principauté : la forte implantation dans les Mauges d’un personnage assez mystérieux, Renaud Torench, par ailleurs vicomte d’Anjou, semble résulter, au moins partiellement, d’un tel épisode de reprise en main poitevine, à la fin du Xe siècle[36]. Ainsi pourrait s’expliquer, dans les décennies suivantes, l’immigration de Poitevins dans des terroirs qui, appartenant originellement au Poitou historique, étaient passés depuis sous contrôle angevin : la paroisse de La Poitevinière, enfoncée comme un coin entre trois toponymes L’Angevinière signalés respectivement à Gesté, La Pommeraye et Saint-Lézin, marquerait alors le point d’avancée extrême de cette tentative de « colonisation »[37]. En tout état de cause, les origines poitevines du père d’Abélard, connues de Richard de Poitiers, sont peut-être à rechercher dans les Mauges, à l’instar de la maison, dépendante de Saint-Serge-et-Saint-Bach, où, sous l’habit monastique, Bérenger de la Salle attendit sa naissance à la vie éternelle.



André-Yves Bourgès


[1] B. Cook, « Abelard and Heloise. Some notes towards a family tree », Genealogists’ Magazine, vol. 6, n° 26 (June 1999), p. 205-211 (voir en particulier le tableau généalogique qui figure p. 206).
[2] W. Robl, Zwischen Gottfried Graumantel und Peter Abaelard: Der Donjon von Le Pallet und seine Herren im Spiegel der Zeitgeschichte, Neustadt an der Waldnaab, 2006.
[3] É. Berger, Notices sur divers manuscrits de la Bibliothèque Vaticane - Richard le Poitevin, moine de Cluny, historien et poète, Paris, 1879, p. 135.
[4] X. Storelli, Le chevalier et la mort  dans  l’historiographie anglo-normande (XIe siècle – début du XIIIe  siècle) Thèse d’histoire médiévale sous la direction du Professeur Martin Aurell, Université de Poitiers, 2009, p. 103.
[5] P.-H. Morice, Mémoires pour servir à l’histoire… de Bretagne, t. 1, paris, 1742, col. 471-473.
[6] At uero, cum uoluminis quantitatem mentis imaginatione collustro et simul quae facta sunt respicio et quae facienda sunt penso, poenitet, frater Dagoberte, petitionibus tuis assensum praestitisse ac tantum agendi  negotium praesumpsisse. Sed cum lasso mihi iam et scribendo fatigato tuae memoria caritatis ac nepotum disciplinae desiderium occurrit, uestri statim contemplatione mihi blandiente languor omnis mentis discedit et animatur uirtus ex amore quae pigra fuerat ex labore, ac quasi iam reiectum onus in humeros rursus caritas tollit et corroboratur ex desiderio quae languebat ex fastidio.
[7] Bulletin de la Société des bibliophiles bretons et de l’histoire de Bretagne, 4e année (1880-1881), Nantes, 1881, p. 50-51.
[8] Voir l’éclairage apporté par les travaux de J. Barbier, en particulier son article fondateur sur « Le système palatial franc: genèse et fonctionnement dans le nord-ouest du regnum », Bibliothèque de l'Ecole des Chartes, t.148 (1990) p. 245-299.
[9]  L. Bourgeois et J.-F. Boyer, « Les palais carolingiens d’Aquitaine : genèse, implantation et destin », L. Bourgeois et Ch. Rémy (éd.), Demeurer, défendre et paraître : orientations récentes de l’archéologie des fortifications et des résidences aristocratiques médiévales entre Loire et Pyrénées - Actes du colloque de Chauvigny, 14-16 juin 2012, Chauvigny, 2014 (Association des Publications chauvinoises, 57), p. 100 :  « Un diplôme de Pépin Ier pour l’évêque d’Angers est expédié le 25 décembre 837 depuis Palatiolo (…)… Ce Palatiolo pourrait correspondre au Pallet (Loire-Atlantique), même si le diminutif originel n’apparaît plus dans les formes postérieures. Cette localité établie à la confluence de la Sèvre Nantaise et de la Sanguèze faisait alors partie de la civitas de Poitiers. Le fait que Pépin chasse l’année suivante dans la forestis de Rocheservière permet, en effet, d’envisager l’existence d’une résidence royale en Bas-Poitou ». Nous privilégions la « solution alternative » proposée par les auteurs, laquelle « serait d’identifier Palatiolo à Panazol, portion de l’ensemble fiscal du Palais-sur-Vienne, dont la forme primitive pourrait correspondre au toponyme du diplôme de 838. Il serait alors possible d’y reconnaître une annexe du palais de Jucundiacum, annexe qui aurait été située sur la rive gauche de la Vienne, où se trouvait l’essentiel des domaines fiscaux associés et, notamment, la forêt royale ».
[10] L. Bourgeois, Propos recueillis par A.-G. Truong, « De si discrets Barbares », L’actualité Poitou-Charente, n° 76 (2e trimestre 2007), p. 30.
[11] Ch. Delaplace, La fin de l’Empire romain d’Occident - Rome et les Wisigoths de 382 à 531, Rennes, 2015, p. 9.
[12] J. Arce, « The So-Called visigothic “Palatium” of Recópolis (Spain): An Archaeological and Historical Analysis », M. Featherstone, J.-M. Spieser, G. Tanman & U. Wulf-Rheidt, (ed.), The Emperor’s House. Palaces from Augustus to the Age of Absolutism, Berlin,  2015, p. 63-70.
[13] L’hypothèse remonte au moins à l’abbé Travers, à qui l’avait reprise J.-B. Ogée, Dictionnaire historique et géographique de la province de Bretagne, t. 2, Nantes, 1779, p. 391. Repoussée par P. de Berthou en 1910, délaissée depuis par tous les historiens qui ont travaillé sur le concile d’Agde, elle a été ravivée et actualisée à l’occasion de la mise en ligne d’une page dédiée sur l’excellent site Internet consacré à Pierre Abélard : http://www.pierre-abelard.com/pat-Agde.htm (consulté le 7 juin 2016), mais sans entrainer une véritable adhésion.
[14] En revanche, il nous paraît envisageable qu’Adelfius episcopus de Ratiate, qui figurait au concile d’Orléans de 511, ait été le titulaire du siège de Poitiers ; le prélat aurait été transféré à Rézé après la bataille de Vouillé (507) : cf. R.W. Mathisen, Ruricius of Limoges and Friends: A Collection of Letters from Visigothic Aquitania, Liverpool, 1999, p. 21, n. 12.
[15] Nous partageons la prudence dont fait preuve E. Chénon, « Les marches séparantes d’Anjou, Bretagne et Poitou », Nouvelle revue historique de droit français et étranger, 1892, p. 25-30, qui semble privilégier l’hypothèse d’une solution de continuité entre la situation du Xe siècle et l’état définitif des marches tel qu’il est possible de le dresser à partir des documents des XVe et  XVIe siècles.
[16] A ce propos, la thèse demeurée inédite de J.-P. Brunterch L'extension du ressort politique et religieux du Nantais au Sud de la Loire : essai sur les origines de la dislocation du pagus d'Herbauge (IXe siècle-960), dont les positions sont consultables dans le livret École nationale des chartes. Positions des thèses soutenues par les élèves de la promotion de 1981 pour obtenir le diplôme d’archiviste paléographe, Paris, 1981, p. 39-49, a été récemment complétée par le mémoire de maîtrise de T. Verron, travail qui, lui, a fait l’objet d’une publication sous le titre L’intégration des Mauges à l’Anjou au XIe siècle, Limoges, 2007 (Cahiers de l’Institut d’anthropologie politique, 15) ; mais, dans un cas comme dans l’autre, ces excellents travaux n’ont examiné le cas du pagus de Tiffauges qu’à la marge.
[17] T. Verron, L’intégration des Mauges…, p. 310-311 : la disparité des témoins mentionnés dans la liste (p. 311) où figure Gaudinus de Palatio ne permet pas de se prononcer avec certitude à ce sujet.
[18] B. Cook, « Abelard and Heloise… », p. 209.
[19] Ibidem, p. 210.
[20] Quand bien même ce nom pourrait être effectivement considéré comme un composé de ab (< breton mab, « fils ») et d’un anthroponyme de type  Aalard, Aelard, Alard – hypothèse ancienne, puisqu’on la trouve déjà sous la plume de Guibert de Tournai vers 1260 (Petrum filium Alardi quem Abaelard vocant), mais qui, malgré le regain d’intérêt dont elle a fait l’objet, principalement sous la plume de Renan, reste cependant à démontrer – il semblerait étrange que le philosophe eût été le seul de son lignage à l’avoir porté, sans compter que son père s’appelait Bérenger, comme on l’a vu, et non Alard.
[21] Y. Chauvin (éd.), Cartulaires de l'abbaye Saint-Serge et Saint-Bach d'Angers (XIe  et XIIe  siècles), t. 2, Angers, 1997, t. 2, page 453-455 : Hervé avait épousé la fille aînée d’un certain Geoffroi de Saint-Quentin et de cette union étaient nés plusieurs enfants. A la demande de leur père, ceux-ci, garçons et filles, procèdent, en même temps que leur mère, à  une donation en faveur de Saint-Serge-et-Saint-Bach d’Angers de différents revenus et biens situés à proximité du prieuré de Villeneuve et au Puiset (Hec omnia Herveus uxori sue et filiis et filiabus concedere fecit) ; cette donation, originellement voulue par leur oncle maternel, Gui de Saint-Quentin, qui sollicitait de prendre l’habit monastique à l’abbaye, est confirmée par Paien du Petit-Montrevault qui s’en proclame le tutor.
[22] Outre un acte concernant le sanctuaire de Villeneuve, qui nous paraît trancher la question (voir infra n. 24), Daniel figure à deux reprises en qualité de témoin dans des actes qui concernent les membres de la familia des seigneurs du Petit-Montrevault : voir Y. Chauvin (éd.), Cartulaires…, t. 2, p. 425-426 et 467-469. Par ailleurs, lorsqu’il accepte à la demande de l’abbé Bernard de renoncer aux droits qu’il détient à Champtoceaux et à Nantes  sur la navigation des bateaux des moines de Marmoutier, Daniel doit en obtenir confirmation de Roger du Petit-Montrevault, qui exerce le dominium de Champtoceaux, ainsi que du comte Mathias : voir T. Verron, L’intégration des Mauges…, p. 312-313. Roger du Petit-Montrevault était à l’époque le tuteur du seigneur de Champtoceaux, son neveu par alliance, Thibaut de Jarzé, pendant la minorité de ce dernier.
[23] P. Anger (éd.), « Cartulaire de l'abbaye de Saint-Sulpice-la-Forêt », Bulletin et mémoires de la Société archéologique du département d’Ille-et-Vilaine, t. 39 (1909), p. 21-24 (charte n° 220) : cet acte, daté 1138, consigne l’accord passé, en présence du seigneur de Beaupréau, Jocelin, et de nombreux témoins dont Main du Pallet (Mein de Palatio), entre les moines de Saint-Serge-et-Saint-Bach d’Angers et les moniales de Saint-Sulpice de Rennes,  au sujet d’une terre de landes située à la Pierre-Aubrée, entre Beaupréau et Montrevault.
[24] Leur intérêt pour le sanctuaire de Villeneuve, fondation partagée entre les seigneurs des deux Montrevault et dont Daniel, détenait, avant d’en faire donation à Saint-Serge-et-Saint-Bach d’Angers, la moitié de la commendatio, sans doute au titre de « client » de la dynastie du Petit-Montrevault, constitue, à notre opinion, un indice de cet enracinement, lequel apparaît donc antérieur à l’alliance locale contractée par Hervé, qui est venue le renforcer : voir T. Verron, L’intégration des Mauges…, p. 99-101.
[25] Voir supra n. 17. Gaudin est témoin des décisions prises à  l’occasion de la  tenue à Sainte-Christine de la cour (curia) de Roger du Petit-Montrevault, pour régler une affaire concernant Saint-Quentin-en-Mauges.
[26] L. Maître et P. de Berthou (éd.), Cartulaire de l’abbaye de Sainte-Croix de Quimperlé, 2e éd., Rennes-Paris, 1904 (Bibliothèque bretonne armoricaine, 4), p. 173.
[27] Y. Chauvin (éd.), Cartulaires…, t. 1, p. 114-115.
[28] La datation proposée par l’éditeur correspond à l’abbatiat de Bernard : 27 mars 1093-6 avril 1102.
[29] W. Robl, Der Donjon von Le Pallet, p. 231-235.
[30] Ibidem, p. 232-233.
[31] M. Cailleau, Jallais, son histoire, Maulévrier, 1994, p. 13
[32] C. Port, Dictionnaire historique géographique et biographique de Maine-et-Loire, t. 1, Paris-Angers, 1874, p. 198 et 315.
[33] T. Verron, L’intégration des Mauges…, p. 45.
[34] C. Port, Dictionnaire…, t. 3, Paris-Angers, 1878, p. 134.
[35] La vérification peut s’en faire aisément puisque sur les dix autres toponymes La Poitevinière mentionnés par C. Port, neuf se trouvent au nord de la Loire et donc indiscutablement hors du Poitou ; le dixième est situé dans la commune de Drain, immédiatement au sud de la Loire, à proximité de Champtoceaux.
[36] O. Guillot, Le comte d'Anjou et son entourage au XIe siècle, t. 1, Paris, 1972, p. 203-209.
[37] Nous reprenons ici partiellement une intéressante hypothèse de P. Duplessis,  « Le cheval merveilleux de Jallais (Maine-et-Loire). Les apports de la mythologie à la connaissance des limites de la cité des Andes », M. Percot (dir.), Histoire locale, rencontres d'Ancenis, 26-28 novembre 1999, Nantes, 2001, p. 127-139, hypothèse que son auteur peine, à notre avis, à contextualiser chronologiquement.

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